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certain, serait peut-être un obstacle dans sa vie. C’était un malheur ; mais il est des malheurs plus graves et Maxime n’était pas homme à sacrifier son avenir à celle qu’il appelait crûment un crampon. Je ne m’expliquais ni l’attitude du jeune homme, ni la colère de M. Gannerault, ni les indiscrétions d’Héribert. Assurément, on me cachait quelque chose.

« Il faudra bien que Maxime me dise tout. Il me doit une sincérité entière, pensais-je avec humeur. S’il vient, je lui parlerai. »

Il arriva comme six heures sonnaient. Je prévis que nos parents rentreraient d’un moment à l’autre, écourtant un entretien qui devait être sérieux et pouvait devenir tragique. Depuis nos baisers dans les bruyères, je sentais approcher le dénouement de nos énervantes amours et avec la jalousie naissante, avec l’ancienne angoisse, montait en moi ce grand désir d’estimer mon amant qui semble aux femmes l’excuse et la raison de leurs faiblesses.

J’hésitais à me livrer ; mais je ne voulais plus savoir Maxime aux bras d’une autre. Seule, je bornerais son horizon, j’emplirais son univers.

Il était assis près de moi. Il parlait avec une légèreté affectée et je le regardais sans l’entendre, curieuse de préciser le charme nouveau que je trouvais dans ces yeux d’or, dans la fruste ciselure de ce brun visage, dans le ferme développement de cette poitrine où mon front brûlant s’était caché. Ah ! que je souhaitais m’attendrir, et non plus m’enivrer dans ces caresses acceptées naguère malgré moi et reçues bientôt avec une docilité volontaire ! Était-ce le prestige du maître, le reflet de la volupté ou l’aube de l’amour qui baignait d’une si molle lueur les traits sans beauté de Maxime ? Tout à coup, une angoisse étreignit mon cœur. Tout mon être gémit dans le vœu de la protection et du refuge. Je passai mes bras au cou du jeune homme et je l’embrassai si tendrement qu’il fut ému.

— Chère petite !

— Tu m’aimes ?

— Éperdument.

— Et uniquement ?

Il répondit oui sans hésiter. Alors, mes lèvres sur ses lèvres :

— Et fidèlement ?

— Doutes-tu de mon cœur ? dit-il avec un sourire que sa rou-