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— Vrai ! Tu m’aimes bien ? Répète que tu m’aimes !

— Je t’aime, Maxime, de tout mon cœur.

— Chérie !

— Je veux t’aimer avec toutes les forces de mon être. Il dépend de toi d’asservir ces forces à ta volonté. Cher ami, tu as du talent, de l’énergie, tu peux devenir quelqu’un. Mais il ne faut pas être implacable !

— Suis-je implacable ?

— Souvent.

— Et ma dureté t’inquiète ?

— Quelquefois. Oh ! Maxime, sois tendre pour moi. Je n’ai que toi au monde. Tu connais mes secrets, mes vœux, mes chagrins. J’ai besoin d’être comprise, doucement encouragée.

— Mais je suis fou de toi !

Il m’étreignait avec un rire de volupté. Et sur sa poitrine je me laissais aller, confiante, presque heureuse enfin, les yeux clos.

— Marianne, je t’aime éperdument. Avec toi seule je suis faible. Tu es entrée dans ma vie à l’improviste, malgré moi, dérangeant mes plans, troublant le bel équilibre de mes idées, me forçant à des contradictions dérisoires. Oh ! je t’ai tendrement chérie, sous les saules, pendant nos causeries de l’automne dernier ! Et l’hiver ! J’ai connu des jalousies atroces, des rages impuissantes qui harcelaient mes nuits et me réveillaient tout en pleurs. Je te voulais, je te voulais ! Quand je suis parti pour Bruay, je m’étais juré de ne plus te revoir ! Et pourtant… Ah ! Marianne, énigmatique petite amie, tu m’as reconquis d’un regard. Et je t’ai conquise à mon tour, patiemment, gagnant tes yeux, ton cou, tes lèvres… Tes lèvres !… donne, donne-les-moi ! Après tant de jours, je rêvais, je songeais…

Maxime ne parlait plus. Nos cils voilaient et dévoilaient nos prunelles. Comme des flambeaux s’éteignent et se rallument, nos regards scintillaient et mouraient. Je ne me refusais plus. Un invisible courant, coulant dans nos veines ses effluves électriques, dissolvait mes résistances et je roulais, je roulais de vertige en vertige vers des abîmes que je devinais terribles et délicieux… — Maxime ! — Marianne ! — À moi ! — À toi !… Autour de nous frémissait la forêt nuptiale, complice et témoin de nos baisers. La bruyère offrait sa rude et odorante couche ; les pins exhalaient leurs aromes ; les sables, dans le soleil blanc, flamboyaient. Et la