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Favrot était proverbiale, même parmi les adversaires de son parti. Je ne pouvais croire qu’il se fût séparé de Maxime par scrupule puéril et sans examen.

— Je ne suis pas de ceux qui se résignent à la misère.

Cette phrase était restée dans ma mémoire. Qu’allait faire Maxime ? Je compris bientôt que, dans la presse socialiste, une secrète réprobation pesait sur lui. La brusque décision de Favrot faisait soupçonner quelque secret peu honorable pour Pradès. Mais tout cela était bien obscur pour moi et pénible. Une méfiance s’éveillait dans mon cœur.

Mon parrain s’entremit pour procurer un emploi à son fils dans l’administration où il était estimé et aimé depuis des années. Maxime ne paraissait point espérer que cet effort aboutit, bien qu’Héribert, le directeur de la compagnie, fût presque un ami pour M. Gannerault.

Le jeune homme ne modifiait point son existence. Il fréquentait les cafés, les champs de courses, les lieux de plaisir, toujours correct, affectant une simplicité élégante. Et une question se posa pour nous

— D’où vient l’argent ?

— Maxime a des amis.

— Il ne parle jamais de ces amis assez dévoués pour l’aider à vivre.

— Si Héribert peut le caser, tout ira bien.

Un soir — je n’ai point oublié cette date — mon parrain revint de son bureau, tout bouleversé et chancelant.

— J’ai écrit à Maxime. Il va venir. Vous nous laisserez seuls ensemble.

Mme Gannerault s’étonna.

— Tu as vu Héribert ?

— Oui, je l’ai vu.

— Et il n’y a rien de décidé ?

— Tu le sauras.

Il ne voulut donner aucune explication. Énergique pour la première fois de sa vie, il résista aux supplications de sa femme. Maxime, prévenu par dépêche, arriva à la fin du dîner.

— Passe dans le salon, dit M. Gannerault.

Ma marraine me regarda et cacha sa tête dans ses mains.

— Qu’y a-t-il, mon Dieu, qu’y a-t-il ? Qui sait, Marianne, ce que M. Héribert a pu dire à ton parrain ?