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même style, sur le même ton. Parbleu je ne suis pas un ange, mais fichtre ! ne pose pas pour la candeur. Ça ne te sied guère, mignonne ! Et puis, ajouta-t-il sans paraître remarquer mon indignation mal contenue, nous nous devons au moins l’indulgence. Réfléchis. Tu m’as donné des espérances qui me sont chères. Je t’aime et je te veux, entends-tu. Et je t’aurai ! Pourrais-tu m’oublier maintenant que j’ai baisé ta bouche, que j’ai appuyé ma tête sur ton cœur, sur tes genoux ? Crois-tu, enfant, que la possession consiste dans la suprême caresse que tu hésites à m’accorder ?

— Ah ! dis-je en cachant ma figure dans mes mains, je suis désespérée !

— Enfantillage ! dit-il avec un accent plus doux. Tu ne veux pas te laisser être heureuse.

— Maxime, il me semble que tu ne m’estimes pas !

— Ne dis pas de banalités. Je t’estime assez puisque je t’aime. Folle ! je suis enivré de toi !… Ah ! reprit-il avec un éclair de férocité dans les yeux, si tu m’étais moins chère, de gré ou de force, je t’aurais prise ! Ma déférence te garantit mon affection.

— C’est vrai ! Pourquoi ne réussis-tu pas à me convaincre ? Je suis dans un trouble affreux.

— Et moi !… Ah ! si je n’avais la certitude de te conquérir sur toi-même, je te fuirais, Marianne ! Ces baisers, ces baisers me font mourir ! Ton inexpérience de vierge ignore le supplice qu’elle m’impose… Je t’aime tant ! je t’épouserai, je t’emporterai. Nous serons heureux. Hélas ! nous pourrions l’être tout de suite. Ah ! Mme de Charny, les journaux, la politique, l’élection de Guillemin, comme j’oublierais tout avec bonheur ! J’ai rêvé d’être riche, d’être fort, d’être envié. Près de toi, Marianne, je ne rêve que l’ivresse d’une heure ou d’une nuit. Et puis, vienne le déluge !

— Près de moi, dis-tu. Je te crois sincère, mais quand tu m’as quittée, Maxime, le souci d’arriver te reprend… et tu retournes aux journaux, à la politique, à Mme de Charny.

— L’homme est fait de contradictions. Ne nous querellons plus, Mariette. J’ai beaucoup de tourments et d’inquiétudes. Mets ta main sur mes yeux : sois-moi douce. J’ai besoin d’oublier.

Peu de jours après, nous apprîmes que Maxime quittait la Conquête.