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— Comment ?

— Certes… Elle m’aime… Elle ne me refuse rien. Et toi, Marianne, tu me mets à la torture.

Ses bras se nouèrent à ma taille et la firent plier. Il me tenait assise sur son genou.

— Marianne, reprit-il plus bas, avec tendresse, je voudrais être à toi seule, mais il faudrait que tu fusses à moi… Comprends. Mme de Charny n’a plus que le charme du souvenir. Elle m’a aimé ; elle m’aime. Je redoute un aveu qui sera pour elle un châtiment aussi cruel qu’immérité. Mais, si tu le veux bien, Marianne, je ne partagerai ni mes baisers, ni mon cœur… Décide !

— Tu sais bien que je ne le puis pas… Prends patience ! D’ailleurs, tant que tu reverras cette femme, je ne pourrai t’aimer comme je le voudrais — à cœur perdu. Mais, Elle ! ne se doute-t-elle de rien ? Joues-tu si bien la comédie que son instinct ne l’ait pas avertie du péril ?

— Ah ! la malheureuse ! Elle est jalouse, affreusement. Elle devine que j’ai changé. Elle a surpris des enveloppes de lettres, un bouquet fané, un ruban. Scène épouvantable, colère, reproches, crise de nerfs !… Ah ! ses visites ne me sont pas une joie !… bien qu’elle se montre cent fois plus tendre que toi, petite rebelle…

— Et tu peux, tu peux rester son amant, en pensant à moi ? C’est cela qui me surprend et m’indigne.

Il eut un sourire énigmatique :

— Tu ne peux pas comprendre. Précisément, quand je devrais t’oublier, je pense à toi. C’est toi que j’étreins, toi que j’embrasse.

— Tu es cynique.

— Je suis franc.

— Non ! dis-je en repoussant son baiser, ce n’est pas ainsi que je rêvais d’être aimée… Un homme délicat…

— Ah çà ! dit Maxime, qui devenait nerveux, ne me parle pas tant de délicatesse. Tu n’as pas le droit de me donner une leçon… Quand tu allumais Montauzat…

— Tu veux donc te rendre odieux ! m’écriai-je avec des larmes de rage.

— Ma petite, crois-moi, brisons la discussion. Tu me dirais des choses désagréables à entendre et je te répondrais dans le