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AVANT L’AMOUR.

nous deux, nous serions forts. Mais quoi qu’il arrive, tu restes mon ami…

— Je t’appartiens tout entier,… chère Marianne !

Il referma ses bras sur mes épaules et appuya ma tête contre son cœur… Un peu gênée, un peu émue, je ne bougeai pas. Il s’écarta en soupirant :

— Ton heure n’est pas venue. Mais je suis sûr de moi-même ; j’attendrai.


Ce furent les jours les plus doux, les plus mélancoliquement doux de notre intimité sentimentale… J’abdiquai tout orgueil. Je me plus au rôle de consolatrice et j’allai vers Maxime, souhaitant l’apaiser et le guérir. Je me penchai sur cette âme meurtrie comme une chaste hospitalière dont le geste soulage, dont la voix berce et endort. La chimère du platonisme me fascina et pendant des semaines et des mois je vécus dans cette généreuse et vaine ivresse. La nuit, quand me harcelaient les démons de la solitude, je m’attendrissais sur l’insomnie devinée de mon ami ; j’accueillais, à travers le silence et les ténèbres, la voix confuse de sa pensée exhalée vers moi, et je songeais que je n’étais plus seule dans le vaste monde peuplé d’âmes hostiles, de visages étrangers. Et le jour, assise près de Maxime, écoutant l’histoire lamentable de sa vie, je cédais à la douceur de mettre un peu de joie dans le présent et d’étendre ma tendresse comme un voile sur le passé et l’avenir. Enfermés dans l’instant délicieux, la main dans la main, nous jouissions de rêver ensemble, lui frémissant, moi paisible, sans méfiance, sans crainte, sans honte, parce que j’étais sans amour. Alors, comme appesantie d’une tendre langueur, la tête de Maxime cherchait mon épaule : ses lèvres effleuraient ma joue de timides baisers et je ne me dérobais plus, heureuse de lui faire cette pauvre aumône d’un bonheur que je ne partageais pas. J’aimais à le sentir si doux et si faible et passant mon bras autour de son cou, caressant ses cheveux, j’endormais dans un dangereux délice cette passion d’homme, humble comme un chagrin d’enfant… « Ah ! quelle ivresse !… », balbutiait-il dans mes cheveux, vaincu par une émotion dont je ne soupçonnais pas le caractère. « Quelle ivresse, Marianne ! et quelle tentation !… » — « Chut ! répondais-je… Sois sage !… » Mais une brume ternissait soudain les yeux d’or ; la bouche volontaire se détendait avec un pli las et la main qui pressait la mienne lui communiquait sa fièvre