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LA NOUVELLE REVUE

et la face du Père et où, d’un esprit supérieur, simplement, plus d’un ressemblait à sa primitive image,

L’Antiquité où, riches en floraisons, des races fort anciennes resplendissaient, où des enfants pour entrer dans le royaume du ciel réclamaient torture et mort, et où, quoi que pussent encore dire le plaisir et la vie, plus d’un cœur d’amour se brisa,

L’Antiquité où, dans le feu de la jeunesse, Dieu lui-même s’est révélé et, à une mort précoce, par la force de l’amour a voué sa chère vie, n’éloignant de lui nulle angoisse et douleur afin de nous demeurer plus cher ;

Avec un désir anxieux nous la voyons enveloppée dans la sombre Nuit, et jamais en ce bas monde notre soif ardente n’est apaisée. Nous voulons retourner dans notre patrie afin de contempler cette époque sacrée.

Qui retarde ainsi notre retour ? Ceux que nous aimâmes depuis longtemps reposent. Leur tombeau est le terme de notre course. Maintenant l’Angoisse et la Douleur nous étreignent. Nous n’avons plus rien à chercher, le cœur est repu, le Monde est vide.

Infini, mystérieux, nous parcourt un suave émoi. Il me semble, un écho de notre deuil ne s’est-il pas fait entendre au profond lointain. Les Aimés, eux aussi, doivent nous désirer et c’est le souffle de leur désir qu’ils nous envoient.

Descendons vers la douce Fiancée, vers Jésus, notre Amant ! Soyons consolés ! Le crépuscule du soir point pour les Aimés, pour les Affligés : un Rêve rompt nos liens, et nous voici descendre dans le sein du Père.

NOVALIS
(Traduit de l’allemand par Paul MORISSE.)