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LA NOUVELLE REVUE

intimement à la terre, il répandit en chants enflammés. Mille et mille cœurs se tournèrent vers lui, et la Bonne Nouvelle poussa des milliers de branches. Peu après le départ de ce Chanteur, la chère Vie devint la victime de la décadence profonde de l’humanité : Il mourut jeune, arraché au monde aimé, à sa mère en larmes, à ses amis… Le sombre calice des indicibles souffrances, sa bouche sainte le vida. Dans l’angoisse effroyable il vit approcher l’heure de la naissance du monde nouveau : il lutte péniblement avec les affres de l’antique Mort, défaillant sous le poids du Vieux Monde. Il jette vers sa mère un dernier regard de tendresse, puis, libératrice, la main de l’amour éternel est sur Lui, et Il s’endort… Quelques-uns des jours qui suivirent, un voile épais plana au-dessus de la mer mugissante, sur la terre agitée et sombre ; les Aimés versèrent des torrents de larmes ; le Mystère fut descellé ; des esprits célestes soulevèrent la pierre millénaire de l’obscur sépulcre. Auprès de Lui qui sommeillait, des Anges s’assirent, délicat symbole des rêves ineffables. Réveillé dans une gloire nouvelle, Il s’éleva au sommet de ce monde rajeuni, né de nouveau, et, de ses propres mains, enterra dans la grotte abandonnée le vieux monde mort avec lui, sur lequel, avec une force toute puissante, il reposa la pierre que nul ne peut soulever.

Tes disciples pleurent toujours auprès de ton tombeau des larmes de joie, des larmes d’émotion et de gratitude infinie. Toujours effrayés et ravis, ils te voient t’élever, et eux avec toi, pleurer avec une douce ardeur sur le sein bienheureux de la Mère et contre le cœur fidèle des Amis, courir tout rempli de désir dans les bras du Père, lui apportant la jeune humanité et, de l’avenir d’or, le calice intarissable. Ta Mère bientôt te suivit dans le triomphe céleste, et fut la première auprès de toi dans la nouvelle patrie. De longs temps se sont écoulés, et ta création nouvelle n’a cessé de se manifester dans une gloire toujours plus radieuse. Les hommes, par milliers, poussés par la douleur et la souffrance, pleins de foi, de désir et d’attachement, te suivirent et marchent avec Toi et la Vierge céleste dans le royaume de l’Amour, servent au temple de la divine Mort.

La pierre est levée, l’Humanité est ressuscitée : nous tous demeurons tiens, et pourtant nous sentons libres. Le plus âpre souci disparaît à l’heure de la suprême Cène, devant ta coupe d’or, alors que la Terre et la Vie cèdent.

Aux Noces ! crie la Mort. Des lampes, la flamme est claire. Les vierges attendent à leur place, et d’huile chacune d’elles s’est munie. Que bientôt le lointain résonne du bruit de ton cor-