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LA NOUVELLE REVUE

et les larmes me devinrent un lien, resplendissant, indéchirable ! Tels des orages, des milliers d’années s’enfuyaient dans le lointain… À son cou, je pleurai, devant la vie nouvelle, de délicieuses larmes. — Ce fut le premier Rêve en toi. Il passa, mais son reflet demeure : foi éternelle et inébranlable en ton Ciel, ô Nuit, et en son Soleil, l’Aimée !

IV

Maintenant je le sais, lequel sera le dernier matin ; lorsque la Lumière ne fera plus s’enfuir et la Nuit et l’Amour, lorsque le Sommeil, devenu éternel, ne sera plus qu’un seul Rêve intarissable. Une céleste lassitude s’est emparée de moi à jamais. Long et harassant me fut le pèlerinage au saint tombeau, pesante la croix. L’onde cristalline qui, imperceptible aux sens ordinaires, sourd dans le sein obscur du tertre au pied duquel vient se briser le flot terrestre, celui qui une fois s’y désaltéra, qui, debout sur le mont-frontière du monde, plongea dans le pays nouveau, demeure de la Nuit, — celui-là ne se rejettera pas dans le tumulte de la vie terrestre, ne retournera point dans la contrée où règne la Lumière et qu’une agitation perpétuelle trouble. Là-haut, il se bâtit des huttes, — huttes de la paix, — il aspire, aime, porte ses yeux par delà la frontière, attendant que la plus désirée des heures l’attire dans le flot de la source. Le terrestre surnage et se déverse des hauteurs, mais ce que sacra le toucher de l’Amour coule, dissous, par de secrètes galeries, jusqu’en ce territoire au-delà où, lui et les chers trépassés, ainsi que nuages se confondent.

Le harassé, tu l’éveilles à nouveau pour la tâche, ô Lumière allègre, m’insufflant le goût d’une vie joyeuse, mais point tu ne m’arracheras au souvenir de ce monument qu’une mousse recouvre. J’accepte que mes mains au travail soient ardentes, volontiers je serai où je te puis être utile, glorifiant toute la splendeur de ton éclat, suivant assidûment la belle ordonnance de ton œuvre artistique, considérant la marche judicieuse de ton horloge lumineuse et puissante, approfondissant les harmonies des forces et les règles du jeu merveilleux des espaces innombrables et de leur temps, mais fidèle à la Nuit, demeurera mon cœur secret, et fidèle à son fils, l’Amour créateur !

Peux-tu me montrer un cœur éternellement attaché ? Ton soleil a-t-il des yeux souriants qui me reconnaissent ? Tes étoiles se donnent-elles à ma main vers quelque autre tendue ? Me rendent-