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de bonté & de puiſſance, qui le rendoient le premier de tous les Dieux. [Jupiter optimus maximus]Mais jamais ils ne l’ont appellé très-puiſſant, qu’ils ne l’euſſent qualifié très-bon auparavant, comme s’il y avoit plus de Divinité à bien faire qu’à montrer ſon pouvoir abſolu. Nous les imiterons en celà, traitant de cette partie de la Juſtice qu’exercent les Princes en recompenſant le bien, avant que de parler de celle par laquelle ils font paroître leur puiſſance en ne laiſſant point de crimes impunis.

[Lib. 5. Ethic. ad Nicom, c. 8.]Ariſtote nous apprend, que les anciens mettoient toûjours le Temple des Graces au milieu des villes. C’eſt le Palais du Souverain qui doit aujourd’hui tenir ce lieu-là, afin qu’étant de facile accès à un chacun, il n’y ait perſonne, qui ne ſe puiſſe promettre d’y trouver la reconnoiſſance de ſes ſervices. [Ibid. l. 4 c. 2.]La liberalité eſt d’ailleurs ſi Roïale, que le même Philoſophe n’a pas crû qu’un Roi pût pêcher en l’excès de cette vertu, ni qu’il y eût jamais lieu de nommer ceux d’une ſi haute condition prodigues, comme on fait les particuliers qui uſent de leurs biens avec trop de profuſion. Sa raiſon eſt, que les grands Monarques ne ſauroient ſe ruïner en donnant, le fonds de leurs richeſſes étant trop ample pour cela, & leur fortune trop élevée pour décheoir de ce