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DE M. LE DAUPHIN.


ment, que n’y ayant rien dans le monde qu’il doive apprehender, il faut qu’il ſoit retenu de cette juſte peur d’offenſer l’auteur de ſon être, & celui qu’il eſt obligé plus que tout le reſte des hommes de reconnoître. Car encore qu’il n’y en ait point qui ne ſoient infiniment redevables à Dieu, ſi eſt-ce que les Rois le ſont ſans comparaiſon plus que perſonne, vû les graces extraordinaires qu’ils ont reçuës de lui, & le ſoin particulier que nous ſavons qu’il prend de les conſerver. Sa Providence les a formez & les maintient de la ſorte, comme il ſemble qu’elle travaille avec plus d’artifice à la compoſition des yeux que des autres membres, pour ce que ceux-là doivent être les guides de tout le reſte. C’eſt ainſi que le Soleil agit bien plus noblement ſur de certaines plantes que ſur d’autres, encore qu’il ſoit à l’égard de toutes la cauſe univerſelle de leurs productions. Et c’eſt pour cela que Platon compare les Souverains à ces anneaux qui ſont immediatement touchez d’une pierre d’aimant, & qui en attirent bien que foiblement pluſieurs autres enſuite, voulant que l’eſprit des Princes, comme plus voiſin du Ciel, participe de la Divinité avec beaucoup d’avantage & de prérogative ſur celui de leurs inferieurs. Or ces grands privileges


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