où je crois avoir fait quelques reflexions qui
lui peuvent être utiles. Le deſir auſſi, comme
j’ai déja dit, de m’occuper aux choſes qui
doivent plaire à Vôtre Eminence, m’y convie.
Et en tout cas j’imiterai les voyageurs, qui
ne laiſſent pas de jetter leur pierre ſur ces
montjoyes qui marquent les chemins, bien
que ce ſoit un petit acceſſoire au grand nombre
qui les compoſent. Il y a long-tems
qu’on a prononcé que rien ne pouvoit être
dit, ni écrit, qui ne l’eút déja été. Cela peut
être vrai dans toute ſorte de Philoſophie ; &
il eſt du tout neceſſaire dans celle d’Ariſtote,
qui ſuppoſe l’éternité du Monde. Mais ce
n’eſt pas à dire pourtant que nous ſoions obligez
de demeurer dans un perpetuel ſilence.
On a reproché il y a plus de deux mille ans
à Homere, d’avoir pris ſon Iliade d’un Corinnus
qui en avoit écrit une, dès le tems de
la guerre de Troye. Et quelques-uns ont
accusé Hippocrate d’avoir mis le feu au Temple
d’Eſculape, après avoir tranſcrit des tables
qui y étoient, ce qu’il nous a donné d’excellent
dans les livres de Medecine. Si eſt-ce
que de ſemblables diſcours n’ont pas empêché
que l’un & l’autre n’ait acquis une reputation
immortelle ; comme depuis eux Platon,
Ciceron, & tous les premiers hommes de let-