tant du poiſon dans une fontaine publique,
on ſe rend bien plus coupable, que ſi on en
verſoit ſeulement dans le breuvage de quelques
particuliers ; ceux auſſi qui corrompent
les mœurs naiſſantes d’un jeune Prince, comme
une ſource du bien public, ſont bien plus
déteſtables, que ſi leurs maléfice ne s’étendoit
que ſur des perſonnes communes. Car cette
flatteuſe coútume de ſuivre toújours les inclinations
de ceux qui dominent, a été de tout
tems ſi puiſſante, que quand elles ont été
vertueuſes, celles de leurs ſujets n’ont guéres
été portées qu’au bien. Et l’on a obſervé,
qu’au contraire les habitudes dépravées de
quelques Rois ont entierement perverti le naturel
de la multitude. [Facilius errare naturam, quàm Principem formare Remp. diſſimilem ſui. Theodoricus apud Caſſiodorum.]C’eſt ce qui faiſoit prononcer
à un Ancien, qu’il ſeroit plus facile à
la Nature d’errer en ſes opération, qu’à un
Souverain de former ſon Empire diſſemblable
à lui, & de lui donner un génie different du
ſien. Il eſt donc merveilleuſement neceſſaire
que l’eſprit du Prince reçoive ſa premiere
trempe telle, qu’il poſſede la vigueur & la
bonté requiſe pour un ſi grand emploi que
doit être le ſien, & de la conſequence que
nous remarquons. Les Egyptiens eurent autrefois,
& retiennent encore aujourd’hui pour
ſigne d’abondance, de ſtérilité, la hauteur