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LA VIE


avant de le connoitre, le prenoit pour un aſtrologue.

A ces traits & à quelques autres que nous pourrons encore rapporter, il eſt aisé de voir, qu’il en étoit de Mr. le Vayer, comme de bien d’autres perſonnages d’un mérite diſtingué, c’eſt à dire qu’il ne plaiſoit pas également à tout le monde. Il avoit des envieux, il avoit des ennemis ; dès qu’on en veut à quelqu’un il n’eſt pas difficile de lui trouver quelques défauts, il l’eſt encore moins de les groſſir, de les envenimer. Il y a en vérité bien de la rigueur à juger d’un homme ſur des rapports, ſur quelques diſcours, qui peuvent lui être par fois échappés ; il eſt des tems, des diſpoſitions, des ſituations, des circonſtances, où un homme n’eſt rien moins que ſemblable à lui même ; il peut être quelque fois chatouillé ſelon les perſonnes avec qui il ſe trouve. Nous ne devons pas omettre la tournure que donnent à leurs diſcours les rapporteurs qui ſouvent y mettent aſſés du leur. Pour faire de ce grand homme un portrait plus reſſemblant, nous n’avons qu’à copier Mr. Bayle « Il avoit, dit-il, plus d’érudition & de lecture que la plupart de ſes Confreres de l’Académie, mais ils écrivoient preſque tous plus élégamment que lui. » On pourroit regarder cette apoſtille comme une preuve qu’il y alloit tout rondement & que comme il écrivoit beaucoup, il n’y cherchoit pas tant de fineſſe ; d’ailleurs cela ne fait rien à ſon caractère, & ce défaut n’eſt pas ſi rare qu’on pourroit le croire.

Dans le fond « c’étoit un homme d’une condui-