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DE M. LE DAUPHIN.


une cloaque : mais encore pource que l’excessive liberalité ſe ruine aussì bien que le feu, d’elle même, consumant la matiere qui la doit entretenir. De là vient que Diogene, qui ſe[Dîog. Laër in Diog.]contentoit ordinairement d’une obole, demanda une mine à un prodigue, comme dèſeſperant qu’il luy put jamais plus rien donner. D’ailleurs, les bons Princes ſe ſont toujours comportez comme s’ils n’etoient que ſimples uſufruitiers de leurs États. Voire même l’un[Iul. Capir. in Anton. Pio.]des Antonins dit à ſa femme qui ne le trouvoit pas aſſez liberal, qu’elle étoit fort abuſée si elle ne faiſoit son comte d’avoir perdu, venant à l’Empire, la proprieté de ce qu’ils y avoient apporté, & des choſes mêmes qu’ils poſſedoient auparavant, dont ils ne pouvoient plus diſposer qu’au profit de la Republique. Cela n’empêche pas qu’un grand Roi ne doive faire paroîtrè en toutes occaſions une liberalité digne de ſa fortune, y observant les conditions qui rendent cette vertu plus éclatante. Titus[Suéton. in Tito art.8]disoit à ſes amis, qu’il tenoit un jour pour perdu où il n’avoit fait du bien à perſonne. Il ſoûtenoit qu’un Prince ne devoit jamais ſouffrir qu’on ſe retirât triſte de sa preſence. Et ces belles paroles conformes à toutes ses actions, le firent nommer les delices du genre humain. Aussi n’y a-t-il rien qui approche ſi


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