Page:La Mothe Le Vayer - Œuvres, Tome 1, Partie 1, 1756.pdf/102

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gure de moderation ils jugerent qu’il étoit celui qu’ils cherchoient, & le reconnurent tous pour tel. Cela peut être pris pour une galanterie, qui ſignifie pourtant qu’ils vouloient un Prince qui ne fût liberal que de bonne ſorte, qui donnât ſi judicieuſement qu’il pût donner longuement, & qui dans ſes largeſſes ne parût pas irrité contre ſes finances, [Ep. 120.]comme parle Seneque, pource que celui qui en uſe ainſi ne manque jamais à les reparer après par toute ſorte de violences. [Tac. 2. ann. Lib. 2. de Offic.]Philippe de Macedoine reprit ſon fils Alexandre fort aigrement dans une lettre qu’il lui écrivit ſur ce ſujet, & dont nous avons la ſubſtance dans Ciceron. N’avez-vous point de honte, lui difoit-il, de vouloir comme acheter la bienveillance ce de vos Sujets à prix d’argent ? Croiez-vous que ceux-là vous puiſſent être fort fideles, que vous aurez comme corrompus par preſens ? Et voulez-vous les accoûtumer à vous conſiderer plûtôt pour leur Argentier que pour leur Monarque ? Il avoit raiſon en verité, c’eſt une choſe trop dangereuſe à un Souverain d’uſer de profuſions, & de donner inconſiderément, non ſeulement à cauſe que les bien-faits mal placez, & qui s’exercent ſans jugement, ſont quaſi toujours reçûs ſans obligation, & tombent, ſelon le dire d’un Ancien, comme un écu dans