Page:La Mothe Le Vayer - Œuvres, Tome 1, Partie 1, 1756.pdf/100

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Neron ; par Baſile, pour ravoir les prodigalitez de l’Empeur Michel ; & par beaucoup d’autres qui ont ainſi traité ceux qui ſe trouvoient avoir abuſé de la facilité de leurs Princes. D’autre côté les gratifications doivent être proportionnées, non ſeulement à la condition de celui qui les fait, mais encore à la qualité du ſervice qu’on veut reconnoître, & à l’état de celui qui l’a rendu. [vid. tamen Aelianum Vnv. hiſt. Lib. I. c. 33. & Plutarch. in Vite Artaxerx. initio, de Omifo. Lib. 2. de benef. c. 16.]Car il n’y a perſonne qui ne juge que le Sultan Oſman fut très-ridicule, quand il créa Beglerbey ou Vice-Roi de Cypre l’un de ſes Jardiniers, pour lui avoir vû planter un chou de fort bonne grace. Un bienfait ſi indignement placé, & avec tant d’inconſideration, ſe peut beaucoup mieux nommer un méfait. Et chacun peut voir combien Seneque traite mal Alexandre, ſur ce que quelqu’un refuſant un de ſes preſens, comme ne la penſant pas meriter, il lui repartit, qu’il ne regardoit qu’à ce qu’il devoit donner, & non pas à ce que les autres devoient recevoir. Cette parole, dit Seneque, ſemble d’abord fort généreuſe & roiale, bien qu’en effet elle ſoit très-impertinente, n’y aïant point de doute, qu’on ne doit jamais donner une choſe diſproportionnée au merite de celui qui la doit prendre. Voilà pour montrer que les Rois peuvent abuſer de la liberalité auſſi bien