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V

La révolution ruinait M. de Raousset radicalement : elle brisait sa fortune renaissante, elle mettait à néant ses plans et ses idées ; il eut pu, à bon droit, la traiter en ennemie. M. de Raousset, au contraire, salua avec enthousiasme la jeune République.

Comme tous les hommes de sa génération que n’avait pas énervé le règne de Louis-Philippe, il se sentit profondément remué par ce grand événement. Un horizon radieux s’ouvrait, l’âme de la France se réveillait de sa torpeur, le sang bouillonnait dans toutes les veines et une grande force de rajeunissement se manifestait de tous côtés. Gaston ouvrit son âme à toutes les illusions généreuses. Qu’avait-il à regretter dans ce qui venait de s’écrouler si piteusement ? Le gouvernement de la bourgeoisie l’avait froissé, irrité dans son orgueil de gentilhomme et dans son orgueil de Français. Pour lui, la révolution de février était surtout la banqueroute de cette bourgeoisie arrogante et bornée, et il battait des mains à sa chute.

La république faisait appel à toutes les bonnes volontés, à toutes les vaillances : elle allait réveiller les échos endormis et remuer le vieux monde de fond en comble. Elle apparaissait, non pas les mains pleines de sang comme son aînée, avec des cris farouches et des piques sinistres, mais fière, souriante, et si sûre de sa