Page:La Jeune Belgique, t2, 1883.djvu/243

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE ARTISTIQUE

À MESSIEURS LES ARTISTES DE L’UNION DES ARTS.

Vous ne doutez pas, j’imagine, combien il me plairait d’applaudir à mains rouges au succès de votre salon. À jeune, jeune et demi ; voilà la devise nécessaire dans nos critiques et nos batailles. Mais là, sérieusement, vous croyez vous bien jeunes, bien inouïs d’audace et de fougue, et ne craignez-vous pas ces illustrissimes personnages qui montent la garde autour de votre cercle et se massent en peloton à la tête de votre catalogue ? Que viennent faire, à cette place d’honneur, tous ces grands officiels, représentants sexagénaires de l’Art en cothurne et de la peinture en cravate blanche ?

Vous croyez-vous en bonne compagnie ? Hélas ! on en jurerait à vous voir nous les jeter à la tête pour épater et faire de l’esbrouffe. Pauvres amis ! ces dix solivaux-là vous tyranniseront ; ces araignées académiques, tissant leurs toiles avec les fils blancs de leurs perruques vous attraperont et vous mangeront. Adieu !

Votre exposition est un entassement de tableaux — la plupart médiocres. Aucune distinction. Vous faites cru et commun. Vous imitez à tour de bras, vous marchez en moutons dociles dans les chemins battus ; aucun de vous ne saute le fossé pour s’en aller pâturer ailleurs, là-bas où personne encore n’est venu. Vous n’avez aucune audace jeune-Belgique ; rien de bravache, de crâne, d’épée au vent et de plumet en l’air. Vous avez peur de vous emballer, de vous éperonner, de taper des pieds sur le tremplin pour sauter haut et loin. Vous ne commettrez jamais une seule de ces étrangetés — et disons le mot — une seule de ces gaffes de jeunesse qui ameutent à l’Essor. Vous êtes rassis, calmes, paisibles ; on dirait que votre ambition aspire aux fauteuils et chaises-longues académiques, avec des crachoirs à portée de flegmes.

Ah, l’Idylle de M. Van Landuyt et son cadre ! D’honneur ! où l’artiste a-t-il vu une flamande aussi lymphatique, aussi clair de lune que cette fileuse ? Faut lui donner une guitare au lieu d’un rouet, une mandoline au lieu d’un fuseau ; faut l’asseoir dans une nacelle et la confier aux ondes d’un lac. Et quel paysage ! Où sommes-nous ? En Flandre ? Alors pourquoi faire croire que le sous-sol renferme une chaudière comme la scène à Bayreuth et que la vapeur monte, monte et remplit le paysage ? Puis encore, qui nous débarrassera, je ne dis pas de l’influence, mais de l’imitation de Bastien-Lepage ?

M. Van Landuyt imite d’ailleurs à pinceau que veux-tu ? Son Job est quasi copié sur celui de Bonnat. À deux pas se trouve un portrait d’enfant qui