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estomac un homme fort pesant, qui s’y tint debout, sans que toutes ces pointes, qui touchaient immédiatement sa peau, fussent capables de la percer. On voit que ces bateleurs valent bien les nôtres. Le 28 octobre, on publia que le roi devait sortir pour aller faire ses prières à trois lieues de la ville, dans une fameuse pagode, et pour rendre visite au sancra, qui est le chef de la religion et de tous les talapoins du royaume. Autrefois ce monarque faisait dans cette occasion la cérémonie de couper les eaux, c’est-à-dire de frapper la rivière de son poignard au temps de la plus grande inondation, et de commander aux eaux de se retirer. Mais, ayant reconnu que les eaux continuaient quelquefois de monter après avoir reçu l’ordre de descendre, il avait renoncé à ce ridicule usage, et sa piété se réduisait à visiter, comme en triomphe, la pagode et le grand-prêtre. On prépara une galerie sur le bord de la rivière pour donner ce spectacle aux Français. Le seigneur Constance s’y plaça près de l’ambassadeur, et lui expliqua l’ordre de la marche royale. Il voulut que les jésuites fussent aussi présens ; Tachard avoue comme à regret qu’ils étaient forcés à des cérémonies si profanes.

Vingt-trois mandarins du plus bas ordre parurent d’abord chacun dans un ballon dont la chirole était peinte en rouge, et s’avancèrent à la file sur deux lignes, en côtoyant les rives. Ils étaient suivis de cinquante-quatre