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renvoyé absous. À la vérité, cet adroit voleur fut convaincu par un autre événement ; mais ces aventures ne dégoûtent point les Siamois de leurs usages. Pour la preuve de l’eau, les deux adversaires se plongent en même temps dans l’eau, se tenant chacun à une perche, le long de laquelle ils descendent, et celui qui demeure le plus long-temps dans l’eau remporte l’avantage. C’est sans doute une des plus fortes raisons qui portent tous les habitans du pays à se familiariser dès leur jeunesse avec l’eau et le feu.

Ils ont une autre sorte de preuve, qui se fait avec de certaines pilules préparées par les talapoins, et accompagnées d’imprécations. Les deux parties en avalent une quantité réglée, et la marque de l’innocence ou du droit est de pouvoir les garder dans l’estomac sans les rendre.

Toutes ces preuves se font non-seulement devant les juges, mais devant le peuple ; et si les deux parties sortent de l’une avec égalité, on est obligé d’en subir une autre. Le roi même emploie ces méthodes dans ses jugemens, mais il y ajoute quelquefois celle de livrer les deux adversaires aux tigres, et celui que ces furieux animaux épargnent pendant quelques momens passe pour justifié. S’ils sont dévorés tous deux, on les croit tous deux coupables. La constance avec laquelle on leur voit souffrir ce genre de mort est incroyable dans une nation qui montre si peu de courage à la guerre.