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sions passé le jour sans manger, et que nous n’eussions bu que de l’eau de pluie, la faim nous parut le moindre de nos maux, lorsqu’à l’arrivée de la nuit, tremblans de lassitude et de froid, il nous fut impossible de fermer l’œil, et même de nous coucher pour prendre un peu de repos.

» Aussi nous crûmes-nous délivrés de la moitié de notre misère en voyant paraître le jour. L’engourdissement, la faiblesse et les autres maux qui nous restaient d’une si fâcheuse nuit ne nous empêchèrent pas de tourner nos premiers soins à rejoindre les Portugais. Mais quels furent notre étonnement et notre tristesse de ne les plus apercevoir ! En vain nos yeux les cherchaient de tous côtés ; non-seulement nous n’en découvrîmes pas un seul, mais il nous fut impossible de juger quel chemin ils avaient pris. Dans ce cruel moment, tous les maux que nous avions essuyés jusqu’alors, la faim, la soif, la lassitude et la douleur se réunirent devant nous pour nous accabler. La rage et le désespoir se saisirent de notre cœur ; nous nous regardions les uns les autres, étonnés, à demi morts, dans un profond silence et sans aucun sentiment. Le second ambassadeur fut le premier qui reprit courage ; il nous assembla tous pour délibérer sur notre sort. Après nous avoir représenté que les Portugais ne pouvaient nous avoir abandonnés sans de fortes raisons, et que nous avions été obligés nous-mêmes de laisser