Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 6.djvu/222

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nédiction et qu’il prêche ses opinions à ceux qui se purifient. Les habitans des bords du Gange se croient les plus heureux, parce qu’ils attachent une idée de sainteté aux eaux de ce fleuve ; non-seulement ils s’y baignent plusieurs fois le jour, mais ils ordonnent que leurs cendres y soient jetées après leur mort. Le comble de leur superstition est dans le temps des éclipses, dont ils craignent les plus malignes influences. Bernier fait un récit curieux du spectacle dont il fut témoin. Il se trouvait à Delhy pendant la fameuse éclipse de 1666 : « Il monta, dit-il, sur la terrasse de sa maison, qui était située sur les bords du Djemna ; de là il vit les deux côtés de ce fleuve, dans l’étendue d’une lieue, couverts d’idolâtres qui étaient dans l’eau jusqu’à la ceinture, regardant le ciel pour se plonger et se laver dans le moment où l’éclipse allait commencer. Les petits garçons et les petites filles étaient nus comme la main ; les hommes l’étaient aussi, excepté qu’ils avaient une espèce d’écharpe bridée à l’entour des cuisses. Les femmes mariées et les filles qui ne passaient pas six à sept ans étaient couvertes d’un simple drap. Les personnes de condition, telles que les radjas, princes souverains gentous, qui sont ordinairement à la cour et au service de l’empereur ; les serafs ou changeurs, les banquiers, les joailliers et tous les riches marchands avaient traversé l’eau avec leurs familles ; ils avaient dressé leurs tentes sur l’autre bord, et planté dans la rivière des kanates, qui