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Un spectacle fort bizarre, qui accompagne quelquefois les mêmes fêtes, c’est une espèce de foire qui se tient dans le méhalu ou le sérail de l’empereur. Les femmes des omhras et des grands mansebdars sont les marchandes. L’empereur, les princesses et toutes les dames du sérail viennent acheter ce qu’elles voient étalé. Les marchandises sont de beaux brocarts, de riches broderies d’une nouvelle mode, de riches turbans, et ce qu’on peut rassembler de plus précieux. Outre que ces femmes sont les plus belles et les plus galantes de la cour, celles qui ont des filles d’une beauté distinguée ne manquent point de les mener avec elles pour les faire voir à l’empereur. Ce monarque vient marchander sou à sou tout ce qu’il achète, comme le dernier de ses sujets, avec le langage des petits marchands qui se plaignent de la cherté et qui contestent pour le prix. Les dames se défendent de même ; et ce badinage est poussé jusqu’aux injures. Tout se paie argent comptant. Quelquefois, au lieu de roupies d’argent, les princesses laissent couler, comme par mégarde, des roupies d’or en faveur des marchandes qui leur plaisent. Mais, après avoir loué des usages si galans, Bernier traite de licence la liberté qu’on accorde alors aux femmes publiques d’entrer dans le sérail. À la vérité, dit-il, ce ne sont pas celles des bazars, mais celles qu’on nomme kenchanys, c’est-à-dire, dorées et fleuries, et qui vont danser aux fêtes chez les omhras et les manseb-