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car tous les ans ce monarque envoie deux grands vaisseaux à la Mecque pour y porter gratuitement les pèlerins. Ces bâtimens sont chargés d’ailleurs de bonnes marchandises qui se vendent, et dont le profit est pour eux. On ne rapporte que le principal, qui sert pour l’année suivante, et qui est au moins de six cent mille roupies. Un des fakirs qui revenait alors ne fut pas plus tôt descendu à terre, qu’il donna des marques d’une furie diabolique. Après avoir fait sa prière, il prit son poignard, et courut se jeter au milieu de plusieurs matelots hollandais, qui faisaient décharger les marchandises de quatre vaisseaux qu’ils avaient au port. Cet enragé, sans leur laisser le temps de se reconnaître, en frappa dix-sept, dont treize moururent. Il était armé d’un cangiar, sorte de poignard dont la lame a trois doigts de large par le haut. Enfin le soldat hollandais qui était en sentinelle à l’entrée de la tente des marchands lui donna au milieu de l’estomac un coup de fusil dont il tomba mort. Aussitôt tous les autres fakirs qui se trouvèrent dans le même lieu, accompagnés de quantité d’autres mahométans, prirent le corps et l’enterrèrent. Dans l’espace de quinze jours il eut une belle sépulture. Elle est renversée tous les ans par les matelots anglais et hollandais, pendant que leurs vaisseaux sont au port, parce qu’ils sont les plus forts ; mais à peine sont-ils partis, que les mahométans la font rétablir, et qu’ils y plantent des enseignes. »