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posées de farine de froment et de beurre, de la grosseur de nos pains d’un sou. Ce n’est pas sans peine qu’on les accoutume à cette nourriture, et souvent on a besoin de quatre à cinq mois pour leur en faire prendre le goût : le palefrenier leur tient la langue d’une main, et de l’autre il leur fourre la pelote dans le gosier. Dans la saison des cannes à sucre ou du millet, on leur en donne à midi ; le soir, une heure ou deux avant le coucher de soleil, ils ont une mesure de pois chiches, écrasés entre deux pierres et trempés dans de l’eau.

Tavernier partit d’Agra le 25 novembre 1665, pour visiter quelques villes de l’empire, avec Bernier, auquel il donne le titre de médecin de l’empereur. Le 1er décembre, ils rencontrèrent cent quarante charrettes, tirées chacune par six bœufs, et chacune portant cinquante mille roupies : c’était le revenu de la province de Bengale, qui, toutes charges payées, et la bourse du gouverneur remplie, montait à cinq millions cinq cent mille roupies. Près de la petite ville de Djianabad, ils virent un rhinocéros qui mangeait des cannes de millet. Il les recevait de la main d’un petit garçon de neuf ou dix ans ; et Tavernier en ayant pris quelques-unes, cet animal s’approcha de lui pour les recevoir aussi de la sienne.

Les deux voyageurs arrivèrent à Alemkhand. À deux cosses de ce bourg on rencontre le fameux fleuve du Gange. Bernier parut fort surpris qu’il ne fût pas plus large que la Seine