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lait expirer, et coupant la corde qui attachait nos outres, je me hâtai de lui offrir à boire. Mon guide arabe devint furieux. Je compris par l’excès auquel il s’emporta combien ces peuples ont de férocité dans les mœurs. Il prit son arc, et d’un coup de flèche il tua la jeune fille que je voulais secourir. Ensuite il jura qu’il traiterait de même toutes les autres, si je continuais de leur donner de l’eau. « Ne vois-tu pas, me dit-il d’un ton brutal, que, si tu prodigues le peu d’eau qui nous reste, nous serons bientôt réduits à la même extrémité ? Sais-tu que d’ici à vingt lieues il n’y en a pas une goutte qui ne soit empoisonnée par les sauterelles pouries ? » En me tenant ce discours, il fermait les outres, et les attachait au cheval avec une action si violente et tant de fureur dans les yeux, que la moindre résistance l’eût rendu capable de m’attaquer moi-même.

» Cependant il conseilla au marchand turc d’envoyer quelques-uns de ses gens avec des chameaux dans les marais de Taiba, qui ne devaient pas être fort éloignés, et dans lesquels il se trouve des eaux vives qui pouvaient avoir été garanties de la corruption ; mais la crainte que les Arabes de cette ville ne vinssent enlever ce qui lui restait de sa marchandise l’empêchait de prendre ce parti, et nous le laissâmes dans une irrésolution dont nous ne vîmes pas la fin.

» Je ne dirai rien des cris que j’entendis jeter