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nombre d’autres dames. Dans mon premier saisissement, j’avais pris le prince entre mes bras, et je l’avais porté dans ma chambre, où je m’efforçais d’arrêter son sang et de rappeler ses esprits. On me trouva occupé de ces deux soins ; mais la plupart des spectateurs qui me voyaient aussi couvert que lui de son propre sang, conclurent que je l’avais tué ; et mille cimeterres que je vis briller autour de moi me firent connaître le sort auquel je devais m’attendre. Cependant le roi suspendit les effets de cette violence pour se faire expliquer la cause d’un si funeste accident, de peur, ajouta-t-il, que le crime ne fût venu de plus loin, et que je n’eusse été corrompu par les parens des traîtres qu’il avait condamnés depuis peu au dernier supplice. Malheureusement pour moi, la crainte avait fait fuir mon interprète, et cette circonstance était capable d’aggraver les soupçons. On le découvrit néanmoins après de longues recherches ; il fut amené au roi, chargé de chaînes. Mais on m’avait déjà livré aux officiers de la justice qui m’avaient fait lier les mains, et qui commençaient à me traiter comme un coupable avéré. Le président était assis, les deux bras retroussés jusqu’aux épaules, tenant de la main droite un poignard rougi dans le sang du prince. J’étais à genoux devant lui, environné des autres officiers ; et cinq bourreaux qui étaient derrière moi avec leurs cimeterres nus, semblaient n’attendre qu’un mot ou un signe pour l’exécution.