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ment. Mes premières leçons ne furent remises qu’à l’après-midi du même jour ; mais le jeune prince, ayant accompagné la reine sa mère dans un pèlerinage qu’elle fit pour la santé du roi, ne put venir chez moi que le lendemain. Il avait à sa suite deux jeunes seigneurs du même âge. Je m’étais endormi sur ma natte près des arquebuses et de la poudre. Comme il m’avait vu tirer plusieurs fois, il se fit un plaisir de me surprendre ; et se hâtant de charger une arquebuse sans savoir quelle quantité de poudre il y fallait mettre, il eut l’imprudence de remplir le canon jusqu’à la moitié de sa hauteur. Il voulut tirer contre un oranger. Un des deux jeunes seigneurs alluma la mèche. Le coup partit, et m’éveilla : mais l’arquebuse ayant crevé par trois endroits, le malheureux prince fut blessé de deux éclats de fer, dont l’un lui emporta une partie du pouce. Je sortis à l’instant. Il était tombé sans connaissance. Les deux seigneurs prirent la fuite vers le palais en criant que l’arquebuse de l’étranger avait tué le prince.

» Cette affreuse nouvelle répandit une si vive alarme dans toute la ville, que la plupart des habitans se précipitèrent avec de grands cris vers ma maison ; le roi même s’y fit apporter dans une espèce de fauteuil sur les épaules de quatre hommes ; et la reine le suivit à pied, se soutenant sur les bras de deux femmes, et suivie des deux princesses ses filles, qui marchaient tout échevelées, avec un grand