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motif ne fût capable de l’attendrir. Nous étions fort éloignés d’en attendre cet effet après tant d’exemples que nous avions eu de la dureté des Tartares, et nous eûmes occasion d’admirer ce mélange de tendresse et de férocité qui entre dans le caractère humain. Le nauticor ayant donné à notre demande le tour qu’il s’était proposé, le khan parut l’entendre avec quelque sentiment de pitié : « Eh bien ! je suis fort aise qu’ils aient dans leur pays de si justes raisons d’abandonner mon service. Elles me font consentir plus volontiers à leur accorder ce que tu leur as promis en mon nom. » Nous étions derrière le nauticor, qui nous avait ordonné de le suivre. Le mouvement de notre joie nous fit baiser trois fois la terre, en disant dans le langage et le style du pays : « Que tes pieds se reposent sur mille générations, afin que tu sois seigneur, de tous ceux qui habitent la terre ! » Cette expression parut plaire au khan. Il dit aux seigneurs dont il était environné : « Ces gens parlent comme s’ils avaient été nourris parmi nous. » Alors jetant les yeux sur Mendez, qui était à côté du nauticor : « Et toi, dit-il, penses-tu aussi à nous quitter ? » Mendez, qui s’était attendri à cette question , répondit : « Pour moi, seigneur, qui n’ai point de femme ni d’enfans à qui mon secours soit nécessaire, ce que je désire uniquement, c’est de servir votre majesté ; et je ne donnerais pas ce bonheur pour celui d’être empereur de Pékin pendant