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pas onze étrangers sans être alarmés pour leur troupeau. Ils se mirent à pousser des cris qui firent sortir tous les habitans armés de bâtons et de pierres. Dans leurs premiers transports nous fumes blessés de plusieurs coups ; et cette chaleur n’ayant fait qu’augmenter à notre vue, parmi des furieux qui ne reconnaissaient point les traits du pays sur notre visage, ils nous lièrent les mains derrière le dos, et nous emmenèrent prisonniers dans le bourg. Nous faillîmes d’y être assommés. On nous plongea dans une citerne d’eau pourie, qui était remplie de sangsues. Nous y étions jusqu’à la ceinture, et pendant deux jours nous y restâmes sans aucune sorte d’alimens. Enfin le ciel amena de Suzoanganée un habitant qui nous y avait vus. Il apprit notre disgrâce ; il fit honte à nos ennemis de nous avoir pris pour des voleurs ; et, sur son témoignage, on nous délivra de notre prison, tout sanglans de la morsure des sangsues. Nous partîmes fort irrités, sans vouloir entendre les excuses par lesquelles on s’efforça de nous consoler.

» Le lendemain, après avoir passé la nuit sur un peu de fumier, nous découvrîmes du haut d’une colline, dans une grande plaine remplie d’arbres, une fort belle maison qui nous parut environnée de plusieurs tours, surmontées d’un grand nombre de girouettes dorées. Nous nous en approchâmes avec une sorte de respect. Bientôt nous vîmes arriver à