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une troisième fois et se renversa sur le banc.

Quels furent les cris et les gémissemens d’une troupe de malheureux qui se voyaient échoués au milieu de la mer et dans les ténèbres, sur un rocher où la mort devait leur paraître inévitable ! L’auteur représente les uns pleurant et criant de toute leur force, les autres en prière, et d’autres se confessant à leurs compagnons. Au lieu d’être secourus par leur chef, ils en avaient un qui ne faisait qu’augmenter leur pitié. Depuis un mois sa langueur le retenait au lit. La crainte de la mort le força néanmoins d’en sortir ; mais ce fut pour pleurer avec les autres. Les plus hardis se hâtèrent de couper les mâts, dans la vue d’empêcher que le vaisseau ne se renversât davantage. On tira un coup de canon pour avertir le Croissant du malheur où l’on était tombé : tout le reste de la nuit se passa dans la crainte continuelle de couler à fond. La pointe du jour fit découvrir au-delà des bancs plusieurs îles voisines à cinq ou six lieues de distance, et le Croissant, qui passait à la vue des écueils sans pouvoir donner le moindre secours à ceux qu’il voyait périr. Cependant le navire tenait ferme sur le côté, et semblait promettre, dans cette situation, de résister quelque temps aux flots, parce que le banc était de pierre. Pyrard et ses compagnons conçurent l’espérance de sauver au moins leur vie. Ils entreprirent de faire une espèce de grande claie, ou de radeau, d’un grand nombre de