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tristesse. Elles coupent les cheveux des enfans qu’elles pleurent, pour les conserver précieusement. Elles portent au cou, pendant plusieurs années, une corde à laquelle elles font autant de nœuds qu’il s’est passé de nuits depuis leur perte. Si le mort est du nombre des chamorris, ou si c’est une femme de qualité, on ne connaît plus de bornes, le deuil est une véritable fureur. On arrache les arbres ; on brûle les édifices ; on brise les bateaux ; on déchire les voiles, qu’on attache par lambeaux au-devant des maisons ; on jonche les chemins de branches de palmiers, et l’on élève des machines lugubres en l’honneur du mort. S’il s’est illustré par la pêche ou par les armes, on couronne son tombeau de rames et de lances. S’il est également renommé dans ces deux professions, on entrelace les rames et les lances, pour en faire une espèce de trophée.

Le P. Gobien, représentant la douleur des Marianais, la nomme non-seulement vive et touchante, mais fort spirituelle. Il traduit quelques-unes de leurs expressions : « Il n’y a plus de vie pour moi, dit l’un ; ce qui m’en reste ne sera qu’ennui et qu’amertume. Le soleil qui m’animait s’est éclipsé ; la lune qui m’éclairait s’est obscurcie ; l’étoile qui me conduisait a disparu. » On reconnaît le goût des Orientaux dans cette profusion de figures toujours tirées des mêmes objets. La poésie de sentiment a une autre expression.

D’autres voyageurs, s’attachant moins aux