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campagne, ils poussent de grands cris, moins pour effrayer leurs ennemis que pour s’animer eux-mêmes ; car la nature ne les a pas faits braves. Ils marchent sans chef, sans discipline et sans ordre : ils partent sans provisions. Ils passent deux et trois jours sans manger, uniquement attentifs aux mouvemens de l’ennemi, qu’ils tâchent de faire tomber dans quelque piége. C’est un art dans lequel peu de nations les égalent. La guerre parmi eux ne consiste qu’à se surprendre : ils n’en viennent aux mains qu’avec peine. La mort de deux ou trois hommes décide ordinairement de la victoire. Ils paraissent saisis de peuùr à la vue du sang ; et, prenant la fuite, ils se dissipent aussitôt. Les vaincus envoient des présens au parti victorieux, qui les reçoit avec une joie insolente, telle qu’est toujours celle des caractères timides qui voient leurs ennemis à leurs pieds. Il insulte aux vaincus, il compose des vers satiriques qui se chantent ou qui se récitent dans les fêtes.

Une singularité qui distingue encore cette nation est de n’avoir point d’arcs, de flèches ni d’épées. Les armes des Marianais sont des bâtons garnis du plus gros os d’une jambe, d’une cuisse ou d’un bras d’homme. Ces os, qu’ils travaillent assez proprement, ont la pointe fort aiguë, et sont si venimeux par leur propre nature, que la moindre esquille qui reste dans une blessure cause infailliblement la mort, avec des convulsions, des trem-