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Les voyageurs observent que, si les îles Philippines étaient moins éloignées de l’Espagne, il n’y aurait pas un seigneur dans cette cour qui ne briguât un gouvernement où le gain est immense, la justice fort étendue, l’autorité sans bornes, les commodités en abondance, les prérogatives plus flatteuses, et les honneurs plus distingués que dans la vice-royauté des Indes. Outre le gouvernement civil et l’administration de la justice avec le conseil, le gouverneur donne tous les emplois militaires, nomme vingt-deux alcades qui gouvernent autant de provinces, dispose du gouvernement des îles Marianes, lorsqu’il vaque par la mort, jusqu’à ce que le gouvernement y ait pourvu. Il disposait aussi de ceux de Formose et de Ternate, tandis que ces îles appartenaient à l’Espagne. Il distribue des seigneuries sur les villages indiens aux soldats espagnols qu’il juge dignes de cette récompense. Ces fiefs se donnent ordinairement pour deux vies, c’est-à-dire avec droit de succession pour la femme et les enfans ; après quoi la terre revient au domaine royal. Les seigneurs reçoivent la plupart des droits qui seraient payés au roi, surtout le tribut de dix piastres pour chaque marié, et de cinq pour les autres ; mais ils sont obligés aussi de fournir pour l’entretien de la milice deux piastres de chaque tribut, et quatre cavans[1] de riz à chaque soldat de leur dis-

  1. Le cavan pèse cinquante livres d’Espagne.