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mer inconnue pour arriver ici. Ces peuplades n’ayant que de misérables pirogues propres à des traversées où l’on ne perd pas la terre de vue, une telle rencontre sur une île où nous abordâmes par hasard peut être regardée comme un de ces événemens imprévus qu’imaginent les auteurs de romans, afin de surprendre leur lecteur. Sa singularité mérite que j’en parle en détail.

» Il est aisé de concevoir avec quel étonnement et quel plaisir O-maï et ses compatriotes causèrent ensemble. L’histoire de ces derniers est très-intéressante. Ils s’étaient embarqués sur une pirogue à Taïti, au nombre de vingt personnes, hommes et femmes, afin de se rendre à Ouliétéa, une des îles voisines. Un vent contraire qui soufflait avec impétuosité les empêcha d’arriver à leur destination, ou de regagner le port d’où ils étaient partis. Leur passage devant être court, ils n’avaient guère embarqué de provisions, et ils manquèrent bientôt de vivres. On ne peut imaginer tout ce qu’ils souffrirent tandis qu’ils furent chassés sur l’Océan au gré de la tempête. Ils passèrent un grand nombre de jours sans avoir rien à manger ou à boire. La famine et la fatigue détruisirent peu à peu ce petit équipage. Il ne restait que quatre hommes, lorsque la pirogue chavira : la perte de ces quatre malheureux semblait inévitable : ils eurent cependant l’adresse et la force de saisir les bordages de l’embarcation, et de s’y tenir suspendus pendant quelques