Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 28.djvu/58

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bitude plus horrible et plus déshonorante pour la nature humaine : ils découpent en morceaux un ennemi vaincu, lors même qu’il n’est pas encore mort, et après l’avoir rôti, ils le mangent, non-seulement sans répugnance, mais même avec une satisfaction extrême.

» On est tenté de croire que des hommes capables de pareils excès de cruauté n’ont aucun sentiment d’humanité, même pour ceux de leur tribu : cependant on les voit déplorer la perte de leurs parens d’une manière qui suppose une grande sensibilité. Les hommes et les femmes poussent des cris attendrissans lorsque leurs parens ou leurs amis ont été tués dans les batailles, ou sont morts d’une autre manière : ils se découpent le front et les joues avec des coquilles et des morceaux de cailloux ; ils se font de larges blessures, d’où le sang sort à gros bouillons et se mêle à leurs larmes : ils taillent ensuite des pierres vertes auxquelles ils donnent une figure humaine : ils mettent à cette figure des yeux de nacre de perle, et ils la portent à leur cou en souvenir de ceux qui leur étaient chers. Leurs affections paraissent si fortes, qu’au retour de leurs amis, dont l’absence n’a pas été quelquefois bien longue, ils se découpent également le visage, et poussent dans leurs transports de joie des cris frénétiques.

» Les enfans sont accoutumés de bonne heure à toutes les pratiques bonnes ou mauvaises de leurs pères : un petit garçon ou une petite fille