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dre justice. Je ne sache pas qu’il se soit commis une infidélité de ce genre durant notre séjour : les femmes des premiers rangs qui ne sont pas mariées ne prodiguèrent pas plus leurs faveurs. Il est vrai que la débauche se montra d’ailleurs : peut-être même relativement à la population, est-elle plus commune ici que dans les autres pays ; mais il me parut que les femmes qui s’y livraient étaient en général, si elles n’étaient pas toutes, des classes inférieures ; et celles qui permirent des familiarités à nos gens faisaient le métier de prostituées.

» Le chagrin et la douleur que cause à ces insulaires la mort de leurs amis ou de leurs compatriotes est la meilleure preuve de la bonté de leur caractère : pour me servir d’une expression commune, leur deuil ne consiste pas en paroles, mais en action ; car, indépendamment du toughi dont j’ai déjà parlé, ils se donnent des coups de pierre sur les dents ; ils s’enfoncent une dent de requin dans la tête, jusqu’à ce que le sang en sorte à gros bouillons ; ils se plongent une pique dans l’intérieur de la cuisse, dans le flanc, au-dessous des aisselles, et dans la bouche à travers les joues. Ces violences supposent un degré extraordinaire d’affection, ou des principes de superstition très-cruels : leur système religieux doit y contribuer, car elles sont quelquefois si universelles, que la plupart de ceux qui se maltraitent si rudement ne peuvent connaître la personne qu’on pleure. Nous vîmes, par