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les âmes de ceux qui meurent de mort naturelle, vont habiter avec les dieux. Je leur demandai s’ils mangeaient ceux de leurs amis qui étaient tués à la guerre, mais dont les corps ne tombaient pas au pouvoir de l’ennemi. Ils parurent étonnés de ma question ; ils me répondirent que non : ils témoignèrent même une sorte d’horreur pour l’idée qu’elle présentait. Ils enterrent communément leurs morts ; mais s’ils ont tué plus d’ennemis qu’ils ne peuvent en manger, ils les jettent à la mer.

» On ne trouve point parmi eux de moraïs, ni rien qui ressemble à un lieu destiné au culte public, et les pratiques de la religion ne les rassemblent jamais ; mais ils ont des prêtres qui adressent leurs prières aux dieux dont ils réclament la protection pour leurs affaires temporelles : par exemple, une entreprise contre une tribu ennemie, une pêche.

» Je n’ai rien pu découvrir de leurs principes religieux ; mais, quels qu’ils soient, ils prennent dès l’enfance la ferme habitude de ne point s’en écarter. Le jeune homme qui devait accompagner Taoueiharoua m’en donna une preuve frappante ; il s’abstint de manger la plus grande partie du jour, parce qu’on lui avait coupé les cheveux. Nous employâmes vainement toutes sortes de moyens pour le faire renoncer à sa résolution : afin de le tenter, nous lui offrîmes les choses qu’il aimait le plus : il nous répondit que l’eatoua le tuerait, s’il mangeait quelque chose ce jour-là. Ce-