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les chefs. L’intervalle entre les saisons des végétaux doit être quelquefois considérable, car ils préparent une sorte de pain de banane qu’ils tiennent en réserve : pour cela ils déposent les fruits sous terre avant qu’ils soient mûrs, et ils les y laissent jusqu’au moment de la fermentation ; ils les en tirent alors, et ils en font de petites boules si aigres et si mauvaises, qu’ils préféraient souvent notre pain, quand même il était un peu moisi.

» En général, ils cuisent leurs alimens au four de la même manière qu’à Taïti, et ils ont l’art de tirer de quelques fruits différens mets que la plupart d’entre nous jugèrent très-bons. Je ne les ai jamais vus faire usage d’aucune espèce de sauce, ou boire à leur repas autre chose que de l’eau, ou du jus de coco : ils ne boivent la kava que le matin. Leur manière de cuire les alimens et de manger est malpropre ; ils les posent sur la première feuille qu’ils rencontrent, quelque sale qu’elle soit ; mais les mets destinés aux chefs se mettent communément sur des feuilles vertes de bananier. Quand le roi faisait un repas, il était servi par trois ou quatre personnes : l’une découpait, une seconde divisait en bouchées les gros morceaux, et d’autres étaient prêtes à offrir les cocos et les diverses choses dont il pouvait avoir besoin. Je n’ai jamais rencontré de nombreux convives dînant ensemble, ou mangeant du même plat : lors même qu’ils paraissent réunis pour un repas, on divise les mets en grosses portions destinées