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fils ne perd jamais de vue l’injure faite à son père. Pour exécuter leur horrible dessein, ils se glissent pendant les ténèbres au milieu de leurs ennemis ; s’ils les surprennent, ce qui, je crois, arrive peu, ils leur donnent la mort à tous, et ils n’épargnent pas même les femmes et les enfans. Lorsque le massacre est achevé, ils mangent les vaincus sur le lieu même où s’est passée la boucherie, ou bien ils emportent autant de cadavres qu’ils le peuvent, et ils s’en régalent ensuite chez eux avec une brutalité trop dégoûtante pour la décrire ici. S’ils sont découverts avant d’avoir exécuté leur sanguinaire projet, ils s’enfuient ordinairement : alors on les poursuit, et on les attaque quelquefois à leur tour. Ils ne connaissent point cette modération qui donne quartier ou qui fait des prisonniers ; en sorte que les vaincus ne peuvent mettre leurs jours à couvert que par la fuite. Cet état perpétuel de guerre, et cette manière de la conduire, si destructive de la population, les rend très-vigilans, et il est rare de rencontrer, le jour ou la nuit, un Zélandais qui ne soit pas sur ses gardes. Il est impossible de rien ajouter aux motifs qui excitent leur vigilance : la conservation de leur vie et leur bonheur dans l’autre monde en dépendent ; car, selon leur système religieux, l’âme de l’homme dont le corps est mangé par l’ennemi est condamné à un feu éternel, tandis que les âmes de ceux dont les corps ont été arrachés des mains des meurtriers, ainsi que