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» Je tolère les liaisons des femmes, parce que je ne puis les empêcher ; mais je ne les encourage jamais, parce que j’en redoute les suites. On dit, je le sais, que les commerces amoureux font la sûreté des navigateurs parmi les peuples sauvages : ils offrent peut-être ces avantages aux hommes qui, par nécessité ou par choix, veulent s’établir sur des terres nouvellement découvertes ; mais en général il n’en est pas ainsi des voyageurs tel que nous, qui ne visitent un pays qu’en passant, et ces sortes de liaisons perdent plus de monde qu’elles n’en sauvent. Serait-il raisonnable d’attendre autre chose, puisque les femmes ne se livrent aux navigateurs que par intérêt, et sans ressentir ni estime ni attachement pour eux ? Mon expérience sur ce point est assez étendue, et je n’ai jamais vu un exemple du contraire.

» Parmi les naturels qui n’étaient pas établis près de nous, et qui cependant vinrent nous voir, je distinguai un chef, appelé Kahoura, qui, suivant ce qu’on m’apprit, avait dirigé la troupe qui assomma le détachement du capitaine Furneaux , et avait lui-même tué M. Rowe, l’officier commandant. D’après ce que me dirent de lui la plupart de ses compatriotes, il était plus redouté que chéri : on ne se contenta pas de me répéter qu’il était un méchant homme ; quelques insulaires m’engagèrent à diverses reprises à lui donner la mort, et ils parurent bien surpris de ce que je ne me rendais pas à leurs instances ; car, selon leurs principes de morale,