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d’en obtenir de nous ; quand elles en venaient à bout, elles en mangeaient une quantité incroyable ; la digestion les exposait ensuite à de grands embarras, et elles troublaient souvent les matelots qui voulaient dormir après les fatigues de la journée : dans certaines occasions pressantes, elles désiraient être accompagnées de leurs amans ; mais comme ceux-ci n’y consentaient pas toujours, les entreponts se remplissaient d’ordures. Tous les soirs ces femmes se divisaient en différentes troupes, qui dansaient sur les gaillards d’arrière et d’avant, et sur le milieu du pont ; leur gaieté était tumultueuse, et approchait quelquefois de l’extravagance ; d’autres fois l’originalité et la bizarrerie de leurs idées nous amusaient. Un de nos scorbutiques, à qui les nourritures végétales avaient rendu un peu de force, excité par l’exemple de ses camarades, fit sa cour à une Taïtienne, la mena vers le soir dans son poste, et alluma une chandelle. L’Indienne regarda son amant en face, et s’apercevant qu’il avait perdu un œil, elle le prit par la main, et le conduisit sur le pont auprès d’une fille qui avait éprouvé le même accident, et lui dit : Celle-ci vous convient ; mais, pour moi, je n’aurai pas de privautés avec un borgne.

» Le premier mai, mon père alla à terre, et trouva O-retti, le chef d’O-hiddéa, canton et havre où mouilla Bougainville. Ce chef demanda au capitaine Cook si, à son retour en Angleterre, il verrait Bougainville, qu’il appelait