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Forster ajoute ce qui suit : « Je fus frappé de l’extrême attention que portait Taouha sur toutes les parties du bâtiment : il admirait la force et la grosseur des couples, des mâts et des cordages ; et il trouva nos manœuvres et nos machines si supérieures à celles de son pays, qu’il nous demanda plusieurs choses, et surtout des câbles et des ancres. Il était alors vêtu comme le reste du peuple, et nu jusqu’à la ceinture, à cause de la présence du roi : j’eus peine à le reconnaître ; il avait beaucoup d’embonpoint et un ventre énorme, que les longs plis de ses habits militaires cachaient la veille. Ses cheveux étaient gris-argent, et sa physionomie la meilleure et la plus prévenante que j’aie jamais vue sur ces îles. Il mangea de bon cœur, ainsi qu’O-tou, ce qu’on lui servit. Le roi, qui se mettait fort à son aise, ne se gênait pas plus que chez lui, et il prenait plaisir à instruire Taouha de nos manières. Il lui apprit à se servir du couteau et de la fourchette, à manger du sel avec la viande et à boire du vin. Il badinait sur la couleur rouge du vin, et au moment où il allait l’avaler, il disait que c’était du sang. Taouha ayant goûté du grog, qui est composé d’eau-de-vie et d’eau, voulut aussi goûter de l’eau-de-vie seule, et l’appela evaï no Bretanni, de l’eau de la Bretagne ; il en but un verre sans faire de grimaces. Il fut très-gai, ainsi que sa majesté, et ils montrèrent l’un et l’autre beaucoup de goût pour notre manière de vivre et d’apprêter les alimens.