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réjouit infiniment les Taïtiens en jouant de la cornemuse ; il les jeta dans l’admiration et le ravissement : le roi en particulier fut si charmé de ses talens, qui étaient bien médiocres, qu’il lui fit donner une grande pièce de l’étoffe la plus grossière.

» Comme cette visite n’était qu’une visite de cérémonie, nous retournâmes bientôt à notre chaloupe ; mais nous fûmes retenus un peu plus long-temps sur la côte par l’arrivée d’Happaï, père du roi. Cet homme était grand et maigre : il avait la barbe et les cheveux gris ; il paraissait âgé, mais il montrait encore de la force. Les relations des premiers voyageurs nous avaient déjà informé de cette étrange constitution en vertu de laquelle un enfant exerce la souveraineté pendant la vie de son père ; mais nous ne pouvions pas voir sans surprise le vieux et vénérable Happaï nu jusqu’à la ceinture en présence de son fils. Les sentimens de respect attachés universellement à la paternité ont donc été abolis pour donner plus de poids à la dignité royale ; un si grand sacrifice à l’autorité politique suppose plus de civilisation que les premiers navigateurs n’en ont attribué aux Taïtiens. Quoique Happaï ne jouît pas du suprême commandement, sa naissance et son rang lui attiraient les égards du peuple, et une protection spéciale du roi. La province ou le district d’Oparri était sous ses ordres immédiats, et fournissait à ses besoins et à ceux des personnes de sa suite. Nous prîmes congé