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route , et enfin le soir nous arrivâmes au fort.

» On peut remarquer à cette occasion que la nature humaine est douée de plusieurs facultés qui ne sont portées que rarement au degré de développement dont elles sont susceptibles, et que tous les hommes sont capables de certains efforts qu’aucun d’eux ne fait, à moins qu’il n’y soit porté par le besoin ou par des circonstances extraordinaires. Ces nageurs, en déployant les forces dont nous avons tous l’usage, à moins que nous ne soyons attaqués de quelque infirmité particulière, opéraient des prodiges qui nous semblent au-dessus de la nature. Des exemples plus familiers montrent encore la vérité de cette observation. Les danseurs de corde et les voltigeurs ne font que perfectionner des facultés que tous les individus ont comme eux ; ils n’ont point reçu de don particulier de la nature : tous les hommes, il est vrai, avec autant d’exercice et d’habitude, ne deviendraient pas aussi habiles dans leur art ; mais il est incontestable qu’ils y feraient du moins quelques progrès : il faut en dire autant de tous les autres arts. L’exemple des aveugles nous fournit une autre preuve que l’homme a des facultés dont il ne fait presque jamais usage. On ne peut pas supposer que la perte d’un sens donne plus de force à ceux qui restent, comme l’amputation d’une branche d’arbre rend plus vigoureuses celles qui sont encore attachées au trône. Tout homme peut donc acquérir par les organes de l’ouïe