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posé à leur furie, je suis persuadé qu’il y aurait été bientôt englouti par les flots ou écrasé contre les grosses pierres dont le rivage était couvert. Cependant nous y vîmes dix ou douze Taïtiens qui nageaient pour leur plaisir ; lorsque les flots brisaient près d’eux, ils plongeaient par-dessous et reparaissaient de l’autre côté avec une adresse et une facilité inconcevables. Ce qui rendit ce spectacle encore plus amusant, ce fut que les nageurs trouvèrent au milieu de ces brisans l’arrière d’une vieille pirogue ; ils le saisirent et le poussèrent devant eux en nageant jusqu’à une assez grande distance en mer ; alors deux ou trois de ces insulaires se mettaient dessus, et, tournant le bout carré contre la vague, ils étaient chassés vers la côte avec une rapidité incroyable, et quelquefois même jusqu’à la grève ; mais ordinairement la vague brisait sur eux avant qu’ils fussent à moitié chemin, et alors ils plongeaient et se relevaient d’un autre côté en tenant toujours ce reste de pirogue : ils se remettaient à nager de nouveau au large, et revenaient ensuite par la même manœuvre, à peu près comme nos enfans dans les jours de fêtes grimpent la colline du parc de Greenwich, pour avoir le plaisir de se rouler en bas. Nous restâmes plus d’une demi-heure à contempler cette scène étonnante. Pendant cet intervalle, aucun des nageurs n’entreprit d’aller à terre ; ils semblaient prendre à ce jeu le plaisir le plus vif ; nous continuâmes alors notre