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environ quarante ans ; elle était d’une taille élevée et forte ; elle avait la peau blanche et les yeux pleins de sensibilité et d’intelligence ; ses traits annonçaient qu’elle avait été belle dans sa jeunesse ; mais il ne lui restait plus que les ruines de sa beauté.

» Dès que nous connûmes sa dignité, nous lui proposâmes de la conduire au vaisseau ; elle y consentit volontiers, et vint à bord accompagnée de deux hommes et de plusieurs femmes qui semblaient être de sa famille. Je la reçus avec toutes les marques de distinction qui pouvaient lui faire plaisir ; je n’épargnai pas mes présens, et entre autres choses que je lui donnai il y avait une poupée dont cette auguste personne parut surtout fort contente. Après qu’Obéréa eut passé quelque temps dans le vaisseau, je la reconduisis à terre ; dès que nous eûmes débarqué, elle m’offrit un cochon et plusieurs régimes de bananes, qu’elle fit porter au fort, en une espèce de procession dont elle et moi formions l’arrière-garde. En allant au fort, nous rencontrâmes Toutahah, qui semblait alors revêtu de l’autorité souveraine, quoiqu’il ne fût pas roi. Il ne parut pas content des égards que j’avais pour Obéréa ; il devint si jaloux, lorsqu’elle lui montra sa poupée, qu’afin de l’apaiser, je crus devoir lui en présenter une pareille. Il préféra alors une poupée à une hache : par un sentiment de jalousie enfantine, il voulait qu’on lui fît un don exactement semblable à celui qu’avait reçu l’ex-