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de semblables violences, et acquitter M. Banks de sa promesse. Les Taïtiens regardèrent avec attention pendant qu’on déshabillait le coupable, et qu’on l’attachait aux agrès ; ils étaient en silence et attendaient en suspens ce qu’on voulait lui faire : dès qu’on lui eut donné le premier coup, ils s’approchèrent de nous avec beaucoup d’agitation, et nous supplièrent de lui épargner le reste du châtiment. J’avais plusieurs raisons de n’y pas consentir ; et lorsqu’ils virent que leur intercession était inutile, leur commisération se répandit en larmes.

» Ils sont toujours, il est vrai, comme les enfans, prêts à exprimer par des pleurs tous les mouvemens de l’âme dont ils sont fortement agités, et, comme eux, ils paraissent les oublier dès que les pleurs ont coulé ; entre autres exemples, celui que nous allons citer est remarquable. Le 28, dès le grand matin et avant le jour, un grand nombre de Taïtiens vinrent au fort. M. Banks ayant remarqué Térapo parmi les femmes, il alla vers elle et la fit entrer : il vit qu’elle avait les larmes aux yeux ; et dès qu’elle fut dans le fort ses pleurs commencèrent à couler en abondance. M. Banks lui en demanda la cause avec instance ; mais, au lieu de lui répondre, elle tira de dessous son vêtement la dent d’un requin dont elle se frappa cinq ou six fois la tête ; un ruisseau de sang suivit bientôt les blessures. Térapo parla très-haut pendant quelques minutes d’un ton très-triste, sans répondre en aucune manière