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rager à tenter l’entreprise ; car il n’y avait point de danger aussi redoutable que celui de notre situation actuelle. Une brise légère s’éleva alors à l’est-nord-est ; avec ce secours et celui de nos canots et du flot, qui, sans l’ouverture, aurait causé notre destruction, nous y entrâmes, et nous fûmes entraînés avec une rapidité étonnante par un courant qui nous empêcha de dériver contre l’un ou l’autre côté du canal, lequel n’avait pas plus d’un quart de mille de large. Tandis que nous passions ce gouffre, nos sondes furent très-irrégulières, de trente à sept brasses, sur un fond rempli de roches.

» Dès que nous fûmes entrés en dedans du récif, nous mîmes à l’ancre par dix-neuf brasses. Telles sont les vicissitudes de la vie, que nous nous crûmes heureux alors d’avoir regagné une situation que deux jours auparavant nous étions impatiens de quitter. Les rochers et les bancs sont toujours dangereux pour les navigateurs, même lorsque leur gisement est déterminé ; ils le sont bien davantage dans des mers qu’on n’a pas encore parcourues ; ils sont plus périlleux dans la partie du globe où nous étions que dans toute autre, car il s’y trouve des rochers de corail qui s’élèvent comme une muraille, presque perpendiculairement, d’une profondeur qu’on ne peut mesurer, qui sont toujours couverts à la marée haute, et secs à la marée basse. D’ailleurs les lames énormes du vaste Océan méridional, rencontrant un si grand obstacle, se brisent avec une violence